Les raisons de l’invisibilité de la science africaine

Les raisons de l’invisibilité de la science africaine

21 octobre 2024 0 Par Laura S.

La science africaine, malgré ses contributions significatives, demeure largement méconnue sur la scène mondiale. Les raisons de cette invisibilité sont multiples et complexes, allant des défis structurels aux perceptions culturelles.

Un manque de reconnaissance institutionnelle

L’un des principaux obstacles à la visibilité de la science africaine réside dans le manque de reconnaissance institutionnelle. Selon Mame Penda Ba, professeure sénégalaise en science politique, la contribution de l’Afrique à la science mondiale est souvent sous-estimée, avec des rapports indiquant que seulement 2 % des recherches scientifiques proviennent du continent. Cette situation est exacerbée par le fait que les pays anglophones comme l’Afrique du Sud et le Kenya dominent ce chiffre, laissant les pays francophones en dehors du radar.

Cette invisibilité institutionnelle se traduit également par une dépendance intellectuelle vis-à-vis des cadres théoriques et méthodologiques importés du Nord. Les chercheurs africains ont tendance à reproduire des modèles développés ailleurs, ce qui limite leur capacité à produire une science véritablement locale et pertinente pour leurs contextes spécifiques.

Les barrières linguistiques et culturelles

Les barrières linguistiques représentent un autre défi majeur. La prédominance de l’anglais dans le monde académique crée un fossé pour les chercheurs qui s’expriment dans d’autres langues. Mame Penda Ba plaide pour un pluralisme linguistique dans la recherche scientifique, affirmant que les autres langues africaines doivent également avoir leur place pour enrichir les connaissances et faciliter leur partage avec les populations locales.

Cette invisibilité linguistique contribue à une perception erronée selon laquelle la science produite en Afrique n’est pas à la hauteur des normes internationales. En réalité, le savoir local, qu’il soit issu de traditions orales ou de pratiques communautaires, recèle une richesse inestimable qui pourrait enrichir le corpus scientifique mondial.

Le rôle des financements et des infrastructures

Le financement insuffisant et les infrastructures de recherche limitées constituent également des freins à la visibilité de la science africaine. De nombreux chercheurs doivent faire face à des budgets restreints qui limitent leurs capacités d’expérimentation et d’innovation. En outre, l’accès aux équipements modernes et aux technologies avancées est souvent inégal, ce qui entrave la qualité et l’impact des recherches menées sur le continent.

Les initiatives visant à renforcer les capacités locales en matière de recherche sont essentielles pour remédier à cette situation. Des programmes de financement ciblés et des partenariats avec des institutions internationales peuvent aider à créer un environnement plus propice à l’épanouissement de la recherche scientifique en Afrique.

La nécessité d’une décolonisation du savoir

La question de la décolonisation du savoir émerge comme un thème central dans les discussions sur l’invisibilité de la science africaine. Mame Penda Ba souligne que même si les nations africaines ont obtenu leur indépendance politique, une forme de colonisation intellectuelle persiste. Les mentalités selon lesquelles seules les connaissances « blanches » sont valables continuent d’influencer les perceptions académiques.

Pour contrer cette dynamique, il est crucial de promouvoir une approche critique qui valorise les savoirs locaux tout en intégrant les perspectives globales. Cela nécessite un effort collectif pour déconstruire les préjugés et reconnaître la valeur des contributions scientifiques africaines.

Vers une meilleure visibilité

Malgré ces défis, plusieurs initiatives émergent pour améliorer la visibilité de la science africaine. Des revues académiques comme Global Africa cherchent à publier des recherches en plusieurs langues, favorisant ainsi un accès plus large aux travaux scientifiques produits sur le continent. De plus, des forums internationaux commencent à reconnaître l’importance d’inclure des voix africaines dans les discussions scientifiques mondiales.

Ces efforts témoignent d’un changement progressif vers une meilleure reconnaissance de la science africaine. En renforçant les capacités locales et en valorisant les savoirs traditionnels, il est possible d’accroître l’impact et la visibilité de la recherche scientifique sur le continent.